samedi 22 décembre 2018

Que se passerait-t-il si les gilets jaunes français gagnaient ?

 Lien vers l'article de Andre Vltchek



Et si les manifestants à Paris gagnent et que le gouvernement français cède à toutes leurs revendications ?

Et si les impôts sont réduits, les salaires augmentés, le président Macron se retire ?

Je ne parle pas seulement de la taxe sur les carburants ; les tentatives pour l'imposer ont déjà été abandonnées. Je ne parle pas de l'augmentation du salaire minimum - le gouvernement a déjà accepté de l'augmenter de 100 euros par mois.

Ce dont je parle, ce sont des changements réels et fondamentaux que de nombreux manifestants semblent souhaiter : une réduction d'impôt substantielle pour la majorité des Français, une augmentation généreuse des salaires et une augmentation des prestations sociales pour tous.

Alors, si les Gilets Jaunes réussissent à gagner tout cela, que se passera-t-il ? Qui en bénéficierait ? Mais aussi, qui perdrait ?

Un de mes lecteurs m'a récemment écrit que la France devrait réduire son budget militaire et que, grâce à ces milliards d'euros économisés, elle pourrait facilement financer les revendications des manifestants.

Un autre lecteur a écrit que les citoyens les plus riches de France (ou les appellent " élites ") devraient être lourdement taxés, et que l'argent ainsi économisé pourrait ensuite être distribué entre les pauvres et la classe moyenne inférieure.

Cela vous semble " raisonnable " ? Oui, certainement ; raisonnable et logique. Le seul petit défaut, c'est que nous savons tous que cela n'arrivera jamais de cette façon.

Le président Macron a été élevé sur le trône par précisément ces soi-disant élites. En retour, ces gens riches s'attendent à ce que leurs privilèges soient garantis, même gonflés.

Et imaginer qu'un pays membre de l'OTAN (en l'occurrence la France) réduirait soudainement son budget militaire et, à partir de ce qui est sauvé, commencerait à financer divers nouveaux programmes sociaux pour les pauvres et la classe moyenne, est irréaliste, voire enfantin.

D'où viendront donc les fonds si le gouvernement français décide de faire quelque chose de vraiment "radical" ; radical au moins selon les normes de notre époque de turbo-capitalisme : écouter son propre peuple ?

Permettez-moi d'arrêter de tourner autour du pot et de poser ma question brutalement et concrètement : "Et si toutes les demandes des gilets jaunes sont satisfaites, qui paiera la facture ?"




Pour mettre tout ça dans un contexte : J'écris cet essai à Hanoi, capitale du Vietnam socialiste.

Il y a quelque temps, je vivais dans cette ville. J'y ai passé près de trois ans, alors qu'elle était encore pauvre, et les gens se souvenaient de la guerre, certains même du colonialisme français.

Juste après mon arrivée, ce qui m'a le plus choqué, c'est que si le peuple vietnamien semblait " pardonner " aux Etats-Unis, il n'avait jamais pardonné aux colonialistes français.

"Pourquoi ?" J'ai demandé à mes amis. "Comment est-ce possible ? La campagne de bombardements et de meurtres menée par les Etats-Unis pendant la " guerre américaine " (connue en Occident sous le nom de " guerre du Vietnam ") n'a-t-elle pas été terriblement brutale, des millions de Vietnamiens, de Cambodgiens et de Laotiens ayant perdu la vie ?"

"Bien sûr que si", m'expliquait-on facilement. "Mais nous nous sommes battus et, malgré les terribles pertes et les difficultés, nous avons vaincu les Américains en relativement peu de temps. Et de toute façon, il n'y avait pas qu'eux ; les membres de la coalition étaient aussi des pays comme la Corée du Sud, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, la Thaïlande et, bien sûr, la France."

Et l'histoire a continué :

    "Les Français nous occupaient et nous tourmentaient plus longtemps. Ils avaient aussi humilié notre peuple, continuellement. Ils nous ont réduits en esclavage, torturés, pris nos femmes, violés, et ils avaient volé tout ce que nous avions."

Près de là où j'habitais, il y avait une fameuse "prison centrale", équipée de guillotines, de chambres de torture, de cellules d'isolement. Aujourd'hui, des instruments monstrueux utilisés par les colonisateurs français pour torturer et violer les femmes patriotes vietnamiennes capturées y sont exposés : bouteilles de bière, fils électriques, cannes de marche.

Tout ce que l'Indochine colonisée avait, a été volé : emmené en France, pour financer la construction de théâtres grandioses, de chemins de fer, de métros, de parcs, d'universités. Et oui, subventionner la formation de ce fameux système social français qui, comme le disent à juste titre les Gilets Jaunes, est en train d'être démantelé par les "élites" françaises et par le système politique qu'elles contrôlent totalement.

Le peuple vietnamien s'est battu courageusement contre les Français, les vainquant finalement lors d'une bataille emblématique à Dien Bien Phu. Mais les forces communistes vietnamiennes victorieuses ont hérité d'une terre saccagée, divisée, dépouillée de ses ressources et même de ses œuvres d'art (plusieurs intellectuels français, dont André Malraux, célèbre écrivain puis ministre de la Culture du gouvernement de de Gaulle, ont avoué avoir volé des objets d'art en Indochine quand il y a vécu jeune homme).

Inutile de dire que, jusqu'à présent, les entreprises françaises pillent brutalement de nombreuses parties de l'Asie du Sud-Est, à travers des projets miniers et autres projets néocolonialistes, comme elles le font dans diverses régions d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Amérique latine.

Maintenant, demandez à Hanoi, à Phnom Penh ou à Vientiane, si les gens de l'Indochine (quel nom insultant et bizarre les Français ont donné à cette partie du monde à l'époque coloniale) soutiennent les Gilets Jaunes à Paris ? Demandez-leur s'ils pensent que s'ils obtiennent des concessions à Paris, cela améliorerait la vie en Asie.

Vous devinez quelle serait la réponse ?

Je ne dis pas que les revendications des gens qui se battent dans les rues de Paris sont fausses. Ils ne le sont pas. Ils sont tout à fait légitimes.

Les élites françaises sont brutales, égoïstes, voire perverses. Le gouvernement français actuel ne fait que les servir, car les présidents américains servent tous d'énormes entreprises, y compris ces conglomérats militaires mortels. Ils devraient disparaître, ils devraient disparaître, céder la place à ce qui est un modèle logique d'évolution humaine : une société socialiste et égalitaire.

Mais ils ne sont pas prêts à partir. Bien au contraire. Ils volent, depuis des siècles, la planète entière, et maintenant ils sont allés jusqu'à piller leur propre peuple (qui avait l'habitude de partager le butin).

Les citoyens français n'ont pas l'habitude d'être pillés. Pendant des siècles, ils ont bien vécu, et pendant plusieurs dernières décennies, ils ont vécu " extrêmement bien ". Ils bénéficiaient de certains des avantages les plus généreux au monde.

Qui a payé pour ça ? Est-ce que c'était important ? A-t-elle jamais été importante pour ceux qui vivent à Paris, dans d'autres grandes villes ou à la campagne ? Les agriculteurs français se demandaient-ils pourquoi ils recevaient de généreuses subventions alors qu'ils produisaient des quantités excessives de nourriture et de vin, mais aussi quand le gouvernement leur a demandé de ne pas produire grand-chose ? Se rendaient-ils souvent au Sénégal, ou ailleurs en Afrique de l'Ouest, pour étudier comment ces subventions ont complètement détruit le secteur agricole dans plusieurs anciennes colonies françaises ? Est-ce qu'ils se souciaient du fait que des millions de vies y ont été totalement ruinées ? Ou que, jusqu'en Indonésie ou au Brésil, les entreprises françaises se sont agressivement emparées de la production alimentaire et de la distribution de boissons, et qu'en conséquence, les prix des denrées alimentaires dans de nombreux pays pauvres ont monté en flèche pour atteindre le double ou le triple de ce qu'ils sont à Paris, alors que les revenus locaux restent, dans certains cas, seulement 10% de ceux en France ?

Et la nourriture n'est qu'un exemple. Mais cet essai était censé porter sur quelque chose de légèrement différent : les gilets jaunes, et ce qui se passera si toutes leurs demandes sont satisfaites.

Si nous sommes d'accord pour dire que le régime qui gouverne en France, dans tout l'Occident et dans beaucoup de ses colonies et néocolonies, est vraiment monstrueux, pervers et brutal, nous devons arriver à la conclusion logique qu'il ne va pas payer la note pour de meilleurs soins médicaux, une meilleure éducation, ainsi que des impôts et des salaires plus bas pour les citoyens français ordinaires.

Si les demandes des manifestants sont satisfaites, il y aura quelqu'un d'autre qui sera obligé de payer la facture. Il est fort probable que des dizaines de millions, voire des centaines de millions, seront " taxés ". Et ils ne vivront pas en France, ni dans l'Union européenne, ni même ailleurs.

Les manifestants du Mouvement des gilets jaunes y pensent-ils ? Est-ce important pour eux, au moins un peu ?

Ce n'était pas le cas non plus dans le passé. Peut-être que lorsque peu de gens comme Jean Paul Sartre étaient encore en vie, ces questions étaient périodiquement posées. Mais pas dernièrement, pas maintenant. Pas pendant cette rébellion sur les Champs-Élysées.

Les Français se demandent-ils combien de millions de personnes devraient mourir pour améliorer la qualité de vie dans les villes et les provinces françaises ?

Ou peut-être, pour " compenser ", pour couvrir les dépenses sociales, faudrait-il " envahir " un pays ? Serait-ce l'Iran ? Ou peut-être au Venezuela ?

Le New York Times, dans un de ses articles sur les provinces françaises, a mentionné que les gens se plaignaient qu'ils n'avaient même plus les moyens d'emmener leur femme au restaurant pour dîner. C'est vraiment grave, mais cela justifierait-il une bataille pour l'Iran ou le Venezuela, et le pillage qui en résulterait, ou cela excuserait-il le massacre de quelques centaines de milliers de Papous occidentaux supplémentaires ?

Je suggérerais quelque chose qui aiderait à convaincre les vrais internationalistes, ainsi que les gens partout dans le monde pillé, que le Mouvement des gilets jaunes ne se bat pas seulement égoïstement pour les bénéfices qui amélioreraient la vie des citoyens français, au détriment de bien d'autres dans le monde :

Ils doivent indiquer qu'ils comprennent, qu'ils ne sont pas indifférents aux autres. Dites clairement qu'ils sont contre le capitalisme et l'impérialisme, contre le colonialisme et le pillage du peuple et de ses ressources dans absolument toutes les parties de notre planète !

Dites qu'ils sont pour la liberté, l'égalité et la fraternité de tous les êtres humains, pas seulement des Français !

Disons qu'il s'agit d'une véritable révolution, d'une véritable bataille pour améliorer le monde, pas seulement pour plus d'argent, moins d'impôts, et de meilleurs avantages exclusivement pour les gens qui vivent en France !

Dites qu'ils n'accepteraient jamais d'avantages ou d'argent supplémentaire, s'ils venaient à voler aux nations pauvres et colonisées tout ce qui leur reste.

S'ils disent tout cela, et s'ils démontrent qu'ils le pensent vraiment, je devrai crier Vive la Révolution ! et me joindre à eux - les manifestants - de tout cœur.

Mais jusqu'à ce qu'ils le fassent, jusqu'à ce que je sois convaincu que leur victoire ne fera pas de mal aux autres, à des millions d'autres, je continuerai d'être beaucoup plus préoccupé par les Vietnamiens et les Papous, par l'Iran, l'Afrique, la Syrie ou tout le Moyen-Orient, que par le fait qu'une personne vivant en France rurale puisse inviter sa femme à dîner dans un restaurant.


André Vltchek est philosophe, romancier, cinéaste et journaliste d'investigation. Il est créateur de Vltchek's World in Word and Images, auteur du roman révolutionnaire Aurora et de plusieurs autres livres...


Traduit avec www.DeepL.com/Translator

mercredi 19 décembre 2018

Livre Tibétain de la Vie et de la Mort 2


Livre Tibétain de la Vie et de la Mort




Si nous portons un regard véritable sur nous-mêmes et sur les choses qui nous entourent et qui, jusqu’alors, nous paraissaient si certaines, si stables et si durables, nous nous apercevons qu’elles n’ont pas plus de réalité qu’un rêve.


Deuxième partie



ACCEPTER LA MORT

Si tu veux connaître la vérité de la vie et de la mort, tu dois réfléchir continuellement à ceci : la seule loi dans l’univers qui ne soit pas soumise au changement est que tout change et que tout est impermanent.

Lorsque nous acceptons la mort, transformons notre attitude envers la vie et découvrons le lien fondamental qui existe entre la vie et la mort, une possibilité extraordinaire de guérison se présente à nous.

La vie n’est rien d’autre qu’une danse ininterrompue de naissances et de morts, une danse du changement.
Chaque fois que j’entends un torrent dévaler la pente d’une montagne ou des vagues déferler sur le rivage, ou encore le battement de mon propre cœur, j’entends le son de l’impermanence. Ces changements, ces petites morts, sont nos liens vivants avec la mort : ils en sont le pouls, le battement de cœur, et nous incitent à lâcher tout ce à quoi nous nous accrochons.
L’impermanence étant pour nous synonyme d’angoisse, nous nous cramponnons aux choses avec l’énergie du désespoir, bien que tout soit pourtant voué au changement. L’idée de lâcher prise nous terrifie mais, en réalité, c’est le fait même de vivre qui nous terrifie car apprendre à vivre, c’est apprendre à lâcher prise.

Le lâcher prise est le chemin de la vraie liberté.
Être un guerrier spirituel, c’est développer un courage d’un genre particulier, foncièrement intelligent, doux et intrépide à la fois. Les guerriers spirituels peuvent éprouver de la peur, mais ils ont suffisamment de courage pour oser goûter à la souffrance, pour établir un rapport clair à leur peur fondamentale et ne pas se dérober lorsqu’il s’agit de tirer des leçons de leurs difficultés.
Comme nous le dit Chôgyam Trungpa Rinpoché, devenir un guerrier signifie que « nous sommes capables d’échanger notre poursuite mesquine de sécurité contre une vue plus vaste, faite d’audace, de largeur d’esprit et d’héroïsme authentique… ».

Imaginez une vague à la surface de la mer. Vue sous un certain angle, elle semble avoir une existence distincte, un début et une fin, une naissance et une mort. Perçue sous un autre angle, la vague n’existe pas réellement en elle-même, elle est seulement le comportement de l’eau, « vide » d’une identité séparée mais « pleine » d’eau. Si vous réfléchissez sérieusement à la vague, vous en venez à réaliser que c’est un phénomène rendu temporairement possible par le vent et l’eau, qui dépend d’un ensemble de circonstances en constante fluctuation. Vous vous apercevez également que chaque vague est reliée à toutes les autres. Si vous y regardez de près, rien ne possède d’existence intrinsèque. C’est cette absence d’existence indépendante que nous appelons « vacuité ».
Pensez à un arbre : vous aurez tendance à le percevoir, comme la vague, en tant qu’objet clairement défini, ce qui est vrai à un certain niveau. Mais un examen attentif vous montrera qu’en fin de compte, il ne possède pas d’existence indépendante. Si vous le contemplez, vous constaterez qu’il se dissout en un réseau extrêmement subtil de relations s’étendant à l’univers entier : la pluie qui tombe sur ses feuilles, le vent qui l’agite, le sol qui le nourrit et le fait vivre, les saisons et le temps, la lumière de la lune, des étoiles et du soleil – tout cela fait partie de l’arbre.
En poursuivant votre réflexion, vous découvrirez que tout dans l’univers contribue à faire de l’arbre ce qu’il est, qu’il ne peut à aucun moment être isolé du reste du monde et qu’à chaque instant, sa nature se modifie imperceptiblement. C’est ce que nous entendons lorsque nous disons que les choses sont vides, qu’elles n’ont pas d’existence indépendante.

Milarépa disait : « Reconnaissant la vacuité, soyez empli de compassion. »

Si une relation d’interdépendance nous lie à chaque chose et à chaque être, la moindre de nos pensées, paroles ou actions aura de réelles répercussions dans l’univers entier.

Il n’existe aucune information générale sur la nature de l’esprit : les écrivains et les intellectuels n’y font guère allusion ; les philosophes modernes n’en parlent pas directement ; la majorité des scientifiques nient qu’elle puisse même exister. Elle ne joue aucun rôle dans la culture populaire ; elle n’est pas mise en chansons ; on n’en parle pas dans les pièces de théâtre et elle ne figure pas au programme de la télévision. En fait, nous sommes éduqués dans la croyance que rien n’est réel au-delà de ce que nous percevons directement au moyen de nos sens ordinaires.


TOURNER SON REGARD VERS L’INTÉRIEUR


Nous nous créons une vie tellement trépidante que nous éliminons le moindre risque de regarder en nous-mêmes. Même l’idée de méditation peut être effrayante pour certains. Lorsque nous entendons des expressions telles que « sans ego » ou « vacuité », nous imaginons que faire l’expérience de ces états équivaudrait à être éjecté d’un vaisseau spatial pour flotter à jamais dans un vide obscur et glacé. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Mais, dans un monde voué à la distraction, le silence et la tranquillité nous terrifient. Nous nous en préservons par le bruit et par une activité effrénée. Examiner la nature de notre esprit est la dernière démarche que nous oserions entreprendre.

Bien qu’en apparence notre société célèbre la valeur de la vie humaine et la liberté individuelle, elle nous traite en réalité comme des individus obsédés par le pouvoir, le sexe et l’argent, ayant constamment besoin d’être distraits de tout contact avec la mort ou avec la vie véritable.

Notre véritable nature, la nature de tous les êtres, n’est pas extraordinaire. Paradoxalement, c’est ce monde soi-disant ordinaire qui est extraordinaire, une hallucination fantastique et complexe provoquée par la vision trompeuse du samsara. C’est cette vision « extraordinaire » qui nous rend aveugles à la nature « ordinaire », inhérente et naturelle de notre esprit.

Qui que nous soyons, nous pouvons réaliser la nature de l’esprit et découvrir en nous-mêmes ce qui est immortel et éternellement pur.
Le premier pas est la pratique de la méditation. C’est la méditation qui purifiera peu à peu notre esprit ordinaire, démasquant et épuisant ses habitudes et ses illusions pour que, le moment venu, nous puissions reconnaître notre vraie nature.

L’ignorance de notre vraie nature est la source de tous les tourments du samsara, et la source de cette ignorance elle-même est la tendance invétérée de notre esprit à la distraction.

Le ciel est notre nature absolue, sans entraves ni limites, et le sol notre réalité, notre condition relative, ordinaire. La posture que nous adoptons quand nous méditons signifie que nous relions l’absolu et le relatif, le ciel et la terre, comme les deux ailes d’un oiseau, intégrant le ciel de la nature immortelle de l’esprit et le sol de notre nature mortelle et transitoire.
Pris dans un tourbillon de hâte et d’agressivité, nous vivons notre vie dans le conflit et l’angoisse ; nous sommes emportés par la compétition, l’avidité, le désir de possession et l’ambition. Nous nous chargeons sans répit d’occupations et d’activités superflues. La méditation, elle, est l’exact opposé.

Toute la pratique de la méditation peut se résumer à ces trois points essentiels : ramener l’esprit en lui-même, le relâcher et se détendre.
Toute douleur, toute peur et toute détresse proviennent du désir insatiable de l’esprit qui saisit.

Si votre esprit est capable de s’apaiser de lui-même et si vous vous sentez inspiré à demeurer simplement dans sa pure conscience claire, vous n’avez besoin d’aucune méthode de méditation.
C’est l’esprit, et non la technique, qui est de loin l’aspect le plus important de la méditation : c’est l’habileté, l’inspiration et la créativité que nous mettons dans notre pratique, et que l’on pourrait également appeler la « posture ».

L’ESPRIT DANS LA MÉDITATION

La méditation n’est pas un moyen de fuir le monde, ou de s’en échapper par le biais de l’expérience extatique d’un état de conscience altéré. C’est, au contraire, un moyen direct pour nous aider à nous comprendre véritablement, et à nous relier à la vie et à l’univers. C’est pourquoi, dans la méditation, vous gardez les yeux ouverts.

Ce qui compte, c’est la pure présence.
Plutôt que d’« observer » la respiration, identifiez-vous graduellement à elle, comme si vous deveniez le souffle. Peu à peu, la respiration, celui qui respire et l’acte de respirer deviendront un. La dualité et la séparation s’évanouiront.

Un maître décrivait la méditation ainsi : « L’esprit, suspendu dans l’espace, nulle part. »

Les pensées et les émotions sont le rayonnement et la manifestation de la nature même de l’esprit. Elles s’élèvent de l’esprit, mais où se dissolvent-elles ? Dans l’esprit. Quelle que soit la pensée ou l’émotion qui surgit, ne la percevez pas comme un problème particulier. Si vous n’y réagissez pas de façon impulsive mais demeurez simplement patient, elle se déposera à nouveau dans sa nature essentielle.

Quelles que soient les pensées et les émotions qui se manifestent, laissez-les donc s’élever puis se retirer, telles les vagues de l’océan. Permettez-leur d’émerger et de s’apaiser, sans contrainte aucune. Ne vous attachez pas à elles, ne les alimentez pas, ne vous y complaisez pas, n’essayez pas de les solidifier. Ne poursuivez pas vos pensées, ne les sollicitez pas non plus. Soyez semblable à l’océan contemplant ses propres vagues ou au ciel observant les nuages qui le traversent.
Vous vous apercevrez vite que les pensées sont comme le vent : elles viennent puis s’en vont. Le secret n’est pas de « penser » aux pensées, mais de les laisser traverser votre esprit, tout en gardant celui-ci libre de commentaire mental.

Quand la pensée précédente est passée et que la pensée suivante ne s’est pas encore élevée, vous trouverez toujours un espace dans lequel Rigpa, la nature de l’esprit, est révélé. La tâche de la méditation est donc de permettre aux pensées de ralentir afin que cet intervalle devienne de plus en plus manifeste.

Ce qui importe n’est pas la durée de votre méditation, mais que votre pratique vous conduise à un certain état d’attention et de présence où vous vous sentez un peu plus ouvert et en mesure de vous relier à votre essence.
La raison d’être, l’intérêt et le but tout entiers de la méditation sont d’intégrer celle-ci dans l’action. La violence et les tensions, les défis et les distractions de la vie moderne rendent cette intégration d’autant plus urgente et nécessaire.

Il vous faut prolonger dans chacune de vos actions l’état d’esprit calme et centré dans lequel vous vous trouvez après la méditation.
Votre état de santé général dépend beaucoup de votre état d’esprit et de votre façon d’être.

Tout peut devenir une invitation à la méditation : soyez à l’affût de chaque manifestation de beauté et de grâce. Offrez chaque joie, soyez à tout moment attentif au « message émanant sans cesse du silence. » 



La suite du récit de Sogyal Rinpoché parle principalement de l'importance de trouver un maître et donne des consignes pour accompagner les mourants.

Il me semble avoir transmis ce qui importe le plus...





mardi 18 décembre 2018

Résumé du Livre Tibétain de la Vie et de la Mort





Livre Tibétain de la Vie et de la Mort

De Sogyal Rinpoché





« La naissance d’un homme est la naissance de sa douleur. Plus il vit longtemps et plus il devient stupide, parce que son angoisse d’éviter une mort inévitable s’intensifie sans relâche. Quelle amertume ! Il vit pour ce qui est toujours hors de portée ! Sa soif de survie dans le futur le rend incapable de vivre dans le présent. »
Chuang Tzu.


Première partie de mon résumé



La société contemporaine demeure, dans une large mesure, un désert spirituel et la majorité des gens s’imagine qu’il n’existe pas d’autre vie que celle-ci. Sans foi réelle et authentique en une vie après la mort, la plupart d’entre nous mène une existence dépourvue de toute signification ultime.

Fondamentalement persuadée qu’il n’existe pas d’autre vie que celle-ci, la société moderne n’a développé aucune vision à long terme. Rien n’empêche donc les individus de piller la planète afin de réaliser leurs objectifs immédiats et de vivre dans un égoïsme qui pourrait bien s’avérer fatal pour l’avenir.

Nous saccageons, empoisonnons, détruisons tous les écosystèmes de la planète. Nous signons des reconnaissances de dette que nos enfants ne pourront jamais payer… Nous nous conduisons comme si nous étions la dernière génération sur terre.


Nous pouvons commencer, ici et maintenant, à découvrir un sens à notre vie. Nous pouvons faire de chaque instant l’occasion de changer et de nous préparer – de tout notre être, avec précision et l’esprit paisible – à la mort et à l’éternité.

Le Livre des Morts Tibétain n’est qu’une partie d’un enseignement extraordinaire :
La vie et la mort – envisagées comme un tout – sont présentées comme une série de réalités transitoires constamment changeantes, appelées bardos. Le terme « bar do » est communément utilisé pour désigner l’état intermédiaire entre la mort et la renaissance mais, en réalité, les bardos se produisent continuellement, aussi bien durant la vie que durant la mort ; ce sont des moments de passage où la possibilité de libération, ou d’éveil, se trouve considérablement accrue.
Toutefois, le plus puissant et le plus significatif de ces moments demeure celui de la mort.

Milarépa, le célèbre saint et poète du Tibet, disait : « Ma religion est de vivre — et de mourir – sans regret. »

Si nous refusons d’accepter la réalité de la mort aujourd’hui, alors que nous sommes encore en vie, nous le paierons chèrement, non seulement tout au long de notre existence, mais aussi au moment de la mort et ensuite. Ce refus aura pour conséquence de gâcher cette vie et toutes celles à venir. Nous serons incapables de vivre notre existence pleinement ; nous demeurerons prisonniers, précisément, de cet aspect de nous-mêmes qui doit mourir. Cette ignorance nous privera de la base même du voyage vers l’éveil et nous retiendra sans fin dans le royaume de l’illusion, le cycle incontrôlé de la vie et de la mort, cet océan de souffrance que nous, bouddhistes, appelons samsara

Pour celui qui s’est préparé et s’est engagé dans une pratique spirituelle, la mort arrive non comme une défaite mais comme une victoire, devenant ainsi le moment le plus glorieux de la vie, son couronnement.

« Il est incertain où la mort nous attende, attendons-la partout. La préméditation de la mort est préméditation de la liberté… Le savoir mourir nous affranchit de toute soumission et contrainte. »
Montaigne
Sans doute la raison la plus profonde de notre peur de la mort est-elle que nous ne savons pas qui nous sommes. Nous croyons en une identité personnelle, unique et distincte…

En l’absence de nos supports familiers, nous sommes directement confrontés à nous-mêmes, un personnage que nous ne connaissons pas, un étranger déroutant avec qui nous avons toujours vécu mais que nous n’avons jamais voulu vraiment connaître. N’est-ce pas pour cette raison que nous nous efforçons de remplir chaque instant de bruit et d’activités, même futiles et ennuyeuses, afin de nous assurer que nous ne resterons jamais seuls, en silence, en compagnie de cet étranger ? Cela ne met-il pas le doigt sur un aspect fondamentalement tragique de notre mode de vie ? 
Nous vivons sous une identité d’emprunt, dans un monde névrotique de conte de fées qui n’a pas plus de réalité que la tortue fantaisie d’Alice au Pays des Merveilles. Grisés par l’ivresse de construire, nous avons bâti la demeure de notre existence sur du sable. Ce monde peut sembler merveilleusement convaincant, jusqu’au moment où la mort fait s’écrouler l’illusion et nous expulse de notre cachette. Que nous arrivera-t-il à ce moment-là, si nous n’avons aucune idée de l’existence d’une réalité plus profonde ?

Combien la vie peut être vaine et futile lorsqu’elle est fondée sur une croyance erronée en la continuité et la permanence.

Le rythme de notre vie est si trépidant que la dernière chose à laquelle nous ayons le temps de penser est la mort. Nous étouffons notre peur secrète de l’impermanence en nous entourant d’un nombre sans cesse croissant de biens, d’objets, de commodités, pour en devenir, en fin de compte, les esclaves. Tout notre temps et toute notre énergie s’épuisent à les maintenir. Notre seul but dans l’existence devient bientôt de nous entourer du maximum de sécurité et de garanties. Lorsque des changements surviennent, nous y remédions par une solution facile et temporaire, un expédient. Et notre vie s’écoule ainsi, à moins qu’une maladie grave ou une catastrophe ne vienne nous secouer de notre torpeur.

En dépit de tous nos discours sur la nécessité d’être pragmatique, le pragmatisme en Occident se résume en une vue à court terme marquée par l’ignorance et souvent l’égoïsme. Le regard déformé par la myopie, nous nous focalisons sur cette vie-ci à l’exclusion de toute autre, et c’est là la grande supercherie, la source du matérialisme lugubre et destructeur du monde moderne.

La paresse à l’occidentale consiste à remplir sa vie d’activités fébriles, si bien qu’il ne reste plus de temps pour affronter les vraies questions. Si nous examinons notre vie, nous verrons clairement que nous accumulons, pour la remplir, un nombre considérable de tâches sans importance et quantité de prétendues « responsabilités ».

Impuissants, nous voyons nos journées se remplir de coups de téléphone, de projets insignifiants ; nous avons tant de responsabilités… Ne devrions-nous pas dire plutôt d’« irresponsabilités » ? C’est notre vie qui semble nous vivre, nous porter et posséder sa propre dynamique étrange.
Nous ne sommes que des voyageurs, ayant trouvé un refuge temporaire dans cette vie et dans ce corps.
L’obsession d’améliorer nos conditions matérielles, qui détermine notre comportement, peut devenir une fin en soi et une distraction dénuée de sens.
le plus grand accomplissement de la culture moderne est la publicité remarquable qu’elle fait pour le samsara et ses distractions stériles. La société contemporaine m’apparaît comme une célébration de tout ce qui nous éloigne de la vérité, nous empêche de vivre pour cette vérité et nous décourage de seulement croire à son existence. Étrange paradoxe que cette civilisation qui prétend adorer la vie mais lui retire en fait toute signification réelle, qui clame sans cesse vouloir rendre les gens « heureux » mais, en réalité, leur barre la route menant à la source de la joie véritable ! 
Ce samsara moderne entretient et favorise en nous une angoisse et une dépression dont il se nourrit en retour. Il les alimente soigneusement par le biais d’une société de consommation qui cultive notre avidité afin de se perpétuer. Il est extrêmement organisé, habile et sophistiqué ; il nous assaille de tous côtés avec sa propagande et crée autour de nous un environnement de dépendance presque insurmontable. Plus nous tentons de lui échapper, plus nous semblons tomber dans les pièges qu’il nous pose si ingénieusement. 
Comme le disait le maître tibétain du XVIIIe siècle, Jigmé Lingpa : « Hypnotisés par l’infinie variété des perceptions, les êtres errent et se perdent sans fin dans le cercle vicieux du samsara. »

Sachant cela, ne devrions-nous pas écouter ces paroles de Gyalsé Rinpoché : Faire des projets d’avenir, c’est comme aller pêcher dans le lit sec d’un torrent ; rien n’arrive jamais comme on le souhaite, aussi abandonnez tous vos projets et ambitions. S’il vous faut penser à quelque chose, que ce soit à l’incertitude de l’heure de votre mort…


PRENDRE LA VIE AU SÉRIEUX

Apprenons à ne pas nous surcharger d’activités et de préoccupations superflues mais, au contraire, à simplifier notre vie toujours davantage. La clé nous permettant de trouver un juste équilibre dans notre vie moderne est la simplicité.

Les seuls buts réellement valables de l’existence sont « d’apprendre à aimer les autres et d’acquérir la connaissance ».

Si vous regardez au fond des choses, vous comprendrez qu’il n’existe rien qui soit permanent ou constant ; rien, pas même le poil le plus ténu de votre corps. Et cela n’est pas une théorie, mais quelque chose que vous pouvez réellement parvenir à savoir et à réaliser, et même à voir de vos propres yeux. 

C’est avant tout parce que nous n’avons pas réalisé la vérité de l’impermanence que nous éprouvons tant d’angoisse devant la mort et tant de difficulté à la regarder en face. Nous désirons si désespérément voir tout continuer comme à l’ordinaire, que nous nous persuadons que rien ne changera jamais. Mais c’est là une chimère. Et, comme nous le découvrons si souvent, ce que nous croyons n’a pas grand-chose à voir – sinon rien – avec la réalité. 
Pourtant c’est cette illusion, avec ce qu’elle comporte d’informations erronées, d’idées et de suppositions, qui constitue les fondations branlantes sur lesquelles nous bâtissons notre vie. Peu importe que la vérité vienne sans cesse nous contredire ; nous préférons continuer, dans un élan de courage désespéré, à entretenir notre fiction.

Réfléchissez à ceci : la réalisation de l’impermanence est, paradoxalement, la seule chose à laquelle nous puissions nous raccrocher, peut-être notre seul bien durable.

la réflexion sur la mort et l’impermanence nous réveille et nous ramène à la vérité :
Ce qui est né mourra, Ce qui a été rassemblé sera dispersé, Ce qui a été amassé sera épuisé, Ce qui a été édifié s’effondrera, Et ce qui a été élevé sera abaissé.

L’univers entier, nous disent aujourd’hui les scientifiques, n’est que changement, activité et transformation : une fluctuation continuelle qui est le fondement de toute chose.
Toute interaction subatomique consiste en l’annihilation des particules d’origine et en la création de nouvelles particules subatomiques. Le monde subatomique est une danse sans fin de création et d’annihilation, de matière devenant énergie et d'énergie devenant matière. Des formes transitoires apparaissent et disparaissent en un éclair, engendrant une réalité sans fin, constamment recréée.

Posez-vous ces deux questions : est-ce que je me souviens, à chaque instant, que je suis en train de mourir ainsi que toute personne et toute chose, et est-ce que je traite en conséquence tous les êtres, à tout moment, avec compassion ?
Ma compréhension de la mort et de l’impermanence est-elle devenue si vive et si aiguë que je consacre chaque seconde de mon existence à la poursuite de l’éveil ?
Si vous pouvez répondre par l’affirmative à ces deux questions, alors oui, vous avez réellement compris l’impermanence.